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Haïti à l’OEA : le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé trace une feuille de route pour la sécurité, les élections et la relance économique

Washington, OEA — Dans un contexte de crise multidimensionnelle, le Premier ministre haïtien Alix Didier Fils-Aimé a livré, devant le Groupe des Pays Amis d’Haïti à l’Organisation des États Américains (OEA), un discours dense et volontariste. Au cœur de son intervention : trois priorités stratégiques — la restauration de la sécurité, l’organisation d’élections libres et crédibles, et la relance économique. L’objectif affiché : redonner confiance au peuple haïtien et convaincre la communauté internationale d’un soutien plus robuste et mieux ciblé.

La sécurité, urgence absolue du peuple haïtien

Dès les premières minutes, le Premier ministre a campé le décor : la sécurité est la condition sine qua non du retour à la stabilité.
« La sécurité, le chantier prioritaire de cette transition, demeure l’urgence absolue du peuple haïtien. Aucun progrès durable ne peut être envisagé tant que les gangs armés continuent de semer la terreur et de compromettre la vie quotidienne de nos concitoyens et concitoyennes. »

Dans son plaidoyer, il a détaillé la stratégie gouvernementale : reprendre le contrôle du centre administratif, libérer les principaux axes routiers reliant la capitale au Nord et au Sud, et renforcer les deux institutions de sécurité nationale — la Police nationale d’Haïti (PNH) et les Forces armées d’Haïti (FAD’H).

Ce renforcement inclut l’augmentation des effectifs, la construction d’infrastructures, et l’acquisition d’équipements modernes. Mais surtout, le chef du gouvernement a plaidé pour une levée ciblée de l’embargo sur les armes afin de permettre aux forces de sécurité d’agir efficacement dans un cadre « strictement encadré et transparent ».

L’appel à une coopération internationale accrue

Le Premier ministre n’a pas caché la nécessité d’une solidarité internationale plus forte pour endiguer le flot d’armes et de munitions alimentant les gangs.
« Nous appelons à une coopération internationale accrue, fondée sur le partage de renseignements et le renforcement des contrôles douaniers, pour endiguer le flux d’armes illégales et de ressources financières vers les gangs. »

Il a également insisté sur le rôle de la Mission multinationale, qu’il souhaite voir transformée en une force plus robuste, capable d’assurer durablement la sécurité publique. Dans cette même logique, la sécurisation des frontières, des ports et des aéroports ainsi que le contrôle des côtes maritimes figurent en tête des mesures envisagées.

Gouvernance et lutte contre l’impunité : un impératif républicain

Sur le plan institutionnel, le Premier ministre a rappelé l’attachement de son gouvernement à l’Accord du 3 avril 2024, qui vise à unir toutes les forces vives de la Nation.
« Nous demeurons convaincus de la nécessité d’adopter des mesures fortes pour mettre fin à l’impunité et renforcer l’État de droit, en particulier à travers la réforme de la justice, la lutte contre la corruption et le soutien aux institutions chargées de garantir la transparence et la redevabilité. »

À travers ces mots, Fils-Aimé a envoyé un message clair : la stabilité politique et la bonne gouvernance sont des préalables à tout processus de reconstruction.

Vers des élections libres et inclusives

L’autre pilier du discours fut la perspective électorale. Le chef du gouvernement a rappelé les avancées déjà réalisées par le Conseil Électoral Provisoire : 85 % des centres de vote disponibles, 70 % du personnel électoral recruté, et 65 millions de dollars mobilisés pour le financement.

« Nous agissons avec la même détermination pour garantir l’organisation d’élections libres, crédibles et inclusives dans les meilleurs délais. »

Il a néanmoins souligné que le soutien international reste indispensable, notamment pour moderniser l’Office national d’identification et garantir la participation des femmes, des jeunes, des personnes handicapées et des groupes marginalisés.

Une crise humanitaire sans précédent

Alix Didier Fils-Aimé a dressé un tableau alarmant de la situation humanitaire : insécurité alimentaire aiguë, malnutrition infantile, hôpitaux dysfonctionnels, écoles détruites et déplacés internes en détresse. Face à ce constat, il a insisté sur la nécessité d’aller au-delà de l’urgence humanitaire.

Le Premier ministre plaide pour des solutions durables : relancer l’agriculture, soutenir les PME et favoriser l’autonomie des familles vulnérables. Il voit dans cette approche intégrée — combinant sécurité, aide humanitaire et développement — un moyen de replacer Haïti sur la voie de la résilience.

L’économie haïtienne : une reconstruction « par le bas »

Le constat économique dressé par le Premier ministre est sans appel : sept années consécutives de récession, inflation galopante, secteur privé fragilisé, investissements suspendus.

Mais au-delà du diagnostic, il a présenté une stratégie de relance originale :
« L’objectif est de soutenir les entreprises à potentiel et parvenir à la reconstruction de l’économie par le bas. »

Pour cela, son gouvernement mise sur les petites et moyennes entreprises (PME), vues comme le socle de la croissance et de la création d’emplois. Avec l’appui des institutions financières internationales, des outils adaptés (financement, encadrement technique, visibilité) seront mis en place.

De plus, deux grands pôles économiques — le Grand Nord et le Grand Sud — seront développés autour de filières stratégiques : agro-industrie, textile, énergies renouvelables, tourisme et services externalisés (BPO).

Une feuille de route haïtienne avec un appui international

Le Premier ministre a insisté sur la nécessité que la feuille de route discutée à l’OEA soit adaptée aux réalités haïtiennes.
« Cette feuille de route n’est pas un simple document de travail, elle peut devenir un catalyseur pour Haïti, un instrument de stabilité pour la région et un signal fort de l’engagement de l’OEA en faveur de la paix, de la démocratie et de la coopération dans notre hémisphère. »

Pour garantir cette cohérence, il a proposé la création d’un comité mixte d’experts haïtiens et de l’OEA.

Un appel à la responsabilité collective

En conclusion, le chef du gouvernement a replacé la crise dans sa dimension humaine et historique :
« Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce sont 12 millions de vies à protéger, des milliers de familles qui aspirent à retrouver non seulement un toit, mais aussi la sécurité et le confort d’un foyer, une démocratie à rétablir, une jeunesse à mobiliser et des femmes à accompagner. »

Par ce discours, Alix Didier Fils-Aimé a voulu marquer un tournant : replacer Haïti au centre des priorités régionales, convaincre ses partenaires que la stabilité du pays est indissociable de celle de la Caraïbe, et rappeler que la sortie de crise ne sera possible que par une alliance équilibrée entre volonté nationale et solidarité internationale.

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