C’est un signal politique fort que le Gouvernement haïtien a lancé ce jeudi 5 juin 2025 avec la signature d’un protocole d’accord avec Sunrise Airways pour la reprise des vols domestiques dès le 12 juin. Au-delà d’une simple opération logistique, l’initiative s’inscrit dans une stratégie de reconquête territoriale ambitieuse, visant à désenclaver les régions reculées du pays et à renforcer la présence de l’État dans des zones longtemps délaissées.
Dans un contexte où les voies terrestres sont souvent impraticables ou sous la menace d’acteurs armés, la reprise des vols vers Cap-Haïtien, Jacmel et Jérémie s’apparente à une mesure de souveraineté fonctionnelle : reconnecter le territoire national, rétablir les échanges, et affirmer le monopole de l’État sur la circulation interne.
Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, accompagné du ministre de l’Économie et des Finances Alfred Métellus, et du directeur général de l’Autorité Aéroportuaire Nationale (AAN), Yves Ducarmel François, a présidé la cérémonie de signature, marquant ainsi une étape importante dans le redéploiement stratégique des services publics.
« Nous n’investissons pas uniquement dans l’aviation commerciale. Nous réaffirmons que chaque région du pays fait partie intégrante de la République », a déclaré le chef du gouvernement.
Sunrise Airways, seul acteur aérien domestique à opérer dans un environnement aussi incertain, devient ainsi un partenaire central dans l’exécution d’une politique de continuité territoriale.
Un pari logistique dans un contexte sécuritaire fragile
Selon des sources gouvernementales proches du dossier, la relance des vols s’accompagnera de mesures renforcées de sécurité dans les installations aéroportuaires, ainsi que de la réactivation de plusieurs postes de contrôle aéronautique suspendus depuis des mois. L’AAN a travaillé en étroite collaboration avec les forces de l’ordre pour sécuriser l’aéroport Guy Malary et les terminaux secondaires.
Cette reprise est également perçue comme un catalyseur pour relancer les investissements en province. Plusieurs chambres de commerce régionales, contactées par Haïti Herald, saluent une « opportunité de renaissance économique locale », qui pourrait faciliter les missions humanitaires, les livraisons médicales, les déplacements d’affaires et même les retours familiaux, très demandés par la diaspora.
Avec cette initiative, le gouvernement teste sa capacité à gouverner au-delà de la capitale. En créant un corridor aérien sécurisé et accessible, il se donne les moyens de désengorger Port-au-Prince tout en réduisant les inégalités territoriales.
« La mobilité est un droit. Et l’État a l’obligation de garantir que l’ensemble des citoyens, qu’ils soient au Nord, au Sud ou à la Grand’Anse, puissent accéder aux mêmes services », a déclaré un haut cadre de la Primature sous couvert d’anonymat.
Cette décision s’inscrit dans un projet plus large de redéploiement administratif et de gouvernance locale, déjà amorcé par la réhabilitation de certaines infrastructures portuaires secondaires et de routes nationales prioritaires.
À travers cette relance des vols domestiques, Haïti ne se contente pas de redécoller — elle tente de se recoller. Recoller ses régions, ses populations, ses activités économiques, et plus encore, recoller son identité nationale dans un moment de crise profonde.
Le ciel haïtien, longtemps silencieux, pourrait bien redevenir le théâtre d’un espoir renouvelé.