Alors que l’insécurité atteint des niveaux sans précédent, le gouvernement haïtien a signé un accord controversé avec Vectus Global, une société fondée par Erik Prince, ex-dirigeant de la sulfureuse firme militaire privée Blackwater. Selon plusieurs sources, près de 200 hommes lourdement équipés devraient être déployés pour appuyer les forces locales dans la lutte contre les gangs, sous contrat initial d’un an, mais prolongé par un accord de dix ans incluant la collecte de taxes et l’usage de drones.
L’objectif affiché est clair : reprendre le contrôle des zones urbaines et rurales aux mains de groupes criminels, qui dominent aujourd’hui jusqu’à 90 % de Port-au-Prince. Les agents de Vectus Global auront pour mission de former, conseiller et accompagner les unités de police haïtiennes, tout en sécurisant certains points stratégiques comme les douanes, les ports et les routes nationales.
Pour le gouvernement, cette coopération représente une opportunité d’obtenir une expertise militaire internationale, rapide et flexible, face à un appareil sécuritaire local dépassé. Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a défendu le choix en affirmant que « chaque jour gagné dans la bataille contre les gangs peut sauver des vies et restaurer la confiance des citoyens ».
Mais la décision soulève de vives inquiétudes. Les défenseurs des droits humains dénoncent un risque de privatisation de la sécurité nationale, rappelant les dérives de Blackwater en Irak et en Afghanistan. Certains observateurs craignent que ces mercenaires, étrangers aux réalités locales, agissent en dehors de tout cadre de responsabilité, fragilisant encore davantage les institutions haïtiennes.
De plus, l’accord sur dix ans qui inclut la collecte des recettes fiscales interpelle. Pour beaucoup, cela équivaut à céder une part de la souveraineté économique et institutionnelle d’Haïti à une société privée étrangère, ce qui pourrait créer de nouvelles dépendances et conflits d’intérêts.
Entre espoir d’efficacité et crainte d’un engrenage dangereux, le recours à Vectus Global illustre le désespoir d’un État en quête de solutions immédiates. Mais il pose une question centrale : Haïti se dirige-t-elle vers une stabilisation durable ou vers une nouvelle ère de dépendance sécuritaire aux acteurs privés ?